Jeudi 27 Février 2025
L’impression 3D : maintenant à la portée de tous ?
L’impression 3D FDM, autrefois réservée aux passionnés, professionnels et aux industries spécialisées, entre aujourd’hui dans une phase de maturité et d’accessibilité inédite pour le grand public. Des constructeurs comme le chinois Bambu Lab, qui a lancé ce mouvement de démocratisation, sont capables aujourd’hui d’offrir des gammes complètes de machines abordables et intuitives, permettant à tout un chacun de produire des objets en 3D multi matériaux et multicolores avec une facilité d’utilisation quasiment comparable à celle des imprimantes papier.
Un changement de paradigme dans le monde de l’impression 3D
Pendant longtemps, l’impression 3D a été réservée à des spécialistes. Les équipements coûteux ou complexes à mettre en oeuvre (imprimantes open-source à construire soi-même par exemple), restaient principalement destinés aux aficionados motivés et aux professionnels. La courbe d’apprentissage pour leur utilisation était longue et dissuasive pour le particulier, le temps passé à effectuer des réglages et mises au point dépassant souvent le temps - pourtant particulièrement long - de l’impression elle-même. Aujourd’hui cette dynamique a évolué : les machines sont particulièrement faciles d’emploi, robustes, rapides, et produisent sans effort particulier des résultats qualitatifs dès la première impression.
Cette évolution ne se produit pas sans heurts : certains habitués du domaine en venant même à regretter la disparition de la courbe d’apprentissage qui pouvait exister, et la méconnaissance d’une partie grandissante des utilisateurs du fonctionnement des machines. Doit-on pour autant s’en inquiéter alors que c’est le propre même de l’utilisation d’une technologie par le grand public ? Peut-on légitimement se plaindre que tous les automobilistes ne soient pas aussi mécaniciens ?
La diffusion de ces technologies s’accompagne aussi dans certains cas de la mise en place de garde-fous (connectivité internet), ou de mécanismes propriétaires (étiquettes NFC pour l’identification des filaments) facilitant l’utilisation qui peuvent aussi être source de critique par une partie des hobbyistes plus favorables à des solutions ouvertes.
Des machines abordables pour des usages variés
La démocratisation de l’impression entraîne mécaniquement une diversification plus rapide des applications. Si l’impression 3D, par exemple, offre aujourd’hui la possibilité de créer des objets personnalisés – qu’il s’agisse de pièces de rechange, d’accessoires décoratifs ou même d’outils fonctionnels – elle trouve aussi sa place dans l’éducation, le design ou l’art. La baisse du coût d’acquisition, du coût des matériaux et la facilité d’utilisation permettent aux écoles, aux makerspaces, aux petites entreprises et maintenant aussi aux particuliers de profiter de cette technologie sans devoir investir dans des infrastructures onéreuses ou faire appel à des industriels.
De surcroît, ces machines ne nécessitent pas de compétences techniques particulières. L’ergonomie des logiciels et l’optimisation des processus d’impression offrent une courbe d’apprentissage réduite, comparable à celle d’une imprimante domestique.
Les modèles à imprimer inondent littéralement les sites spécialisés (printables, makerworld, thingiverse…) ce qui permet une utilisation sans passage obligé par l’étape de conception, voire sans ordinateur directement à partir de son téléphone mobile.
Les outils de conception 3D se retrouvent relégués à l’arrière plan, devant la prolifération des modèles paramétriques, modèles génératifs avec l’irruption de l’IA dans les plateformes web dédiées et les applications de numérisation.
Impacts et bénéfices pour le grand public
La démocratisation de l’impression a des retombées positives à plusieurs niveaux :
- Créativité et personnalisation : Les particuliers et les petites entreprises ont désormais la possibilité de créer des objets sur mesure à la demande, ou personnalisés.
- Accessibilité économique : La baisse des prix des machines et des matériaux permet à un plus grand nombre d’acteurs de se lancer dans l’impression, qu’il s’agisse de loisirs créatifs, d’impression fonctionnelle, de projets entrepreneuriaux ou d’applications pédagogiques.
- Réduction des délais de production : Le prototypage rapide et la fabrication en interne permettent de réduire considérablement les délais de mise sur le marché des produits en très petite série. Des fermes d’impression se sont mises en place, permettant la production en moyenne série avec des coûts qui restent compétitifs par rapport à la mise en place d’autres procédés, par exemple l’injection qui demande la création de moules coûteux.
- Développement durable : En permettant la production locale et la fabrication à la demande, cette technologie peut contribuer à réduire le gaspillage et les coûts liés à la logistique et au transport. Le matériau le plus courant pour l’impression, le PLA, est un bio-matériau produit à partir d’amidon de maïs.
Vers un futur où chacun devient créateur ?
Malgré toutes ces avancées, certains défis subsistent. La facilité d’emploi des matériaux avec des propriétés mécaniques plus intéressantes reste à améliorer, ainsi que la sécurité d’utilisation pour certains d’entre eux pouvant dégager des composés toxiques (ABS, ASA, mélanges de fibres…) La gestion des droits de propriété intellectuelle peut aussi être un sujet rapidement complexe.
Aussi, malgré les avancées rapides des outils d’intelligence artificielle générative, l’étape de conception pour des pièces fonctionnelles nécessite encore aujourd’hui l’utilisation et la connaissance de logiciels spécialisés de modélisation 3D (Fusion 360, FreeCAD, Blender…), ou de langages de description 3D comme openSCAD. Cette étape semble encore constituer le maillon manquant pour compléter le cycle complet : comme souvent, le logiciel est clef pour que l’impression 3D devienne « for the rest of us » de bout en bout.
Dans un avenir proche, il est envisageable que l’impression 3D à la demande devienne aussi courante que l’impression de documents l’est aujourd’hui, et que chaque utilisateur soit non seulement capable de produire des pièces fonctionnelles ou décoratives, mais aussi capable de les concevoir.